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Conférence débat aux lycées J.L. GOUSSIER et J. PERRIN à REZÉ le 29 mai 2009. La torture en Algérie

Du Général qui la refusait aux appelés qui en parlent, un passé toujours présent.

vendredi 19 juin 2009, par Anne Doussin

Les thèmes de la rencontre :
 La torture hier, intruse et énigme d’une démocratie.
 Le Général de Bollardière, ses combats d’hier, sa place aujourd’hui.
 La torture aujourd’hui, mémoire et recrudescence.

Ils étaient nombreux le 29 mai 2009, lycéens, professeurs, anciens appelés en Algérie ( français et algériens), amis intéressés, à participer à cette conférence-débat sur la torture en Algérie.

A l’initiative de L. Priou, professeur de lettres et d’histoire, de ses élèves, soutenus par le proviseur M. Schenker, six intervenants étaient invités :

Simone de Bollardière, veuve du Général Pâris de Bollardière, Mohamed Harbi, Professeur d’histoire à ParisVIII, co-auteur de nombreux ouvrages avec B. Stora, Aïssa Kadri, directeur de l’institut France-Magreb, D.Guivarch, professeur d’histoire contemporaine à l’I.U.F.M. de Rennes, J.P. Belloch, responsable départemental d’Amnesty International, F. Bourges, vice-président de l’AAAACG.

1/ La torture hier, intruse et énigme d’une démocratie.

Le débat était introduit par un court extrait du documentaire « L’ennemi intime . »

La question du racisme, élément favorisant alors la torture, a été replacée dans le contexte de l’époque, héritière du colonialisme et des concepts d’inégalités raciales du XIXe siècle. Comme l’a très bien expliqué A. Kadri, le racisme est un long processus historique. Dans les colonies, il était devenu un « système » de fonctionnement. Bien sûr, tous les « pieds noirs », tous les appelés n’étaient pas racistes !

Un intervenant dans la salle, ancien appelé, a exprimé son désarroi d’alors, ses ressources puisées dans les valeurs qu’il avait acquises à la J.O.C., pour ne pas se laisser entraîner dans cette vie du contingent « dont on ne sort pas indemne ».

Pourquoi était-il si difficile de ne pas céder aux phénomènes d’entraînement du groupe et de dire non à la torture ?Il y avait les sanctions, évidemment, et d’autres causes empêchaient les appelés de réagir :
la mission qui leur avait été confiée de « porter la civilisation aux peuples non civilisés », de maintenir l’ordre dans des « départements français ».
la mise à l’écart du groupe, le jugement porté par les autres appelés, l’effet d’entraînement, la facilité de « se laisser aller peu à peu »...

M. Belloch rappelle cet état d’esprit de celui qui torture : il considère l’autre, à ce moment-là, non plus comme un être humain, mais comme un objet...

L’Algérie a vécu une « guerre totale » où tous étaient impliqués : hommes, femmes, enfants, vieillards...

2/ Le Général de Bollardière, ses combats d’hier, sa place aujourd’hui.

Quelques points de repères à travers un extrait du film d’André Gazut « Destin : Général Jacques de Bollardière », et la première question est posée : « Le Général de Bollardière a-t-il toujours été un militaire à part, en désaccord avec sa hiérarchie et les autres militaires ? »

Simone de Bollardière retrace le parcours du Général, « qui a toujours été un peu seul... ». Rallié à l’appel du Général de Gaulle durant la guerre 39/45, ses missions l’ont mené dans les Ardennes, puis, toujours sous les ordres du commandement britannique, en Hollande. Suivent l’Indochine et l’Algérie...
Le Général de Bollardière a toujours été respectueux de l’autre et fidèle à ses valeurs :
 dans sa lutte contre la barbarie nazie,
 en Algérie, œuvrant dans son secteur pour un travail de pacification, comme aurait du être partout le travail de l’armée,
 en dénonçant très vite les mauvaises pratiques de celle-ci, souvent seul à s’exprimer parmi les officiers supérieurs.
Ainsi, lorsqu’il fut relevé de son commandement, à sa demande, et que la nouvelle a été rendue publique, très vite le journal Témoignage Chrétien s’est fait l’écho de l’existence de la torture, à travers le témoignage de Robert Bonnaud. Une résistance a pris corps, associant chrétiens et socialistes.

A la question pertinente d’un élève : pourquoi les algériens n’ont-ils pas employé la non-violence comme en Inde ? les intervenants répondent que la situation perdurait malgré des ouvertures au dialogue de la part des algériens, non entendues, et l’absence d’un leader non violent reconnu par l’ensemble de la population.

Dans un silence significatif, Gilles Champain, membre de la 4ACG, relate les premières heures passées en Algérie, les violences dont il a été témoin, ces images qui ne le quittent plus.

Les coupables, ce sont les hommes politiques, affirme Simone de Bollardière, pas les jeunes appelés. On ne peut pas, à vingt ans, se dresser contre l’autorité de l’armée.

F. Bourges estime que « pour la 4ACG, le Général est un maître à penser. »

De nouveaux éléments historiques nécessaires à l’analyse sont amenés dans le débat. Il fallait sauver des vies, l’action psychologique et la torture étaient employées à cette fin, systématisées. Trois antagonismes co-existaient : français-algériens, mais aussi algéro-algériens ( harkis) , peuple et O.A.S.
Ecrire l’histoire telle qu’elle s’est déroulée... M. Harbi rappelle que l’Algérie a vécu deux guerres : la guerre de libération puis la guerre civile, précisant qu’il existe encore des zones d’ombres et une oblitération du passé.

3/ La torture aujourd’hui, mémoire et recrudescence.

J.P. Belloch, représentant Amnesty International, fait état de l’utilisation aujourd’hui de la torture dans 150 pays :
dans 62 de ces pays, ce sont les autorités qui l’utilisent...
dans les autres pays : des groupes divers.

En Algérie, dans les années 90, les forces de gendarmerie et l’armée ont torturé, et l’amnistie générale ne permet pas de rayer d’un trait de plume les exactions commises par les tortionnaires assassins.Aissa Kadri fait mention des pratiques de torture réalisées par la France en Algérie et qui ont été transférées par la suite en Amérique Latine ( Argentine Chili ) Le film de Marie-Dominique ROBIN " La torture, école Française" est éloquent a ce sujet.

Depuis septembre 2001, le phénomène d’utilisation de la torture s’amplifie...

Rencontre riche d’échanges, grâce aux apports d’information des invités, aux questions des élèves, mais aussi aux interventions de l’assistance. Ce fils de fonctionnaire de police, qui a quitté l’Algérie âgé de quelques mois, mais a porté en partie la culpabilité de son père...

Ce coopérant en Algérie, après l’indépendance, qui n’a jamais entendu parler de ces évènements lorsqu’il était là-bas, J.C. Doussin qui, à son retour, comme de nombreux appelés, a souffert du silence de sa famille et de son entourage, de la désapprobation de certaines organisations
( syndicats ou partis politiques)...

J. Floch, ancien ministre, conclut qu’il faut lutter contre toute idée de guerre, et rester vigilant.

Merci aux organisateurs et aux participants, et un merci spécial à tous les élèves pour l’intérêt qu’ils ont manifesté, leurs interrogations, leur participation active...

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