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Retour en Algérie... en passant par la Lorraine

vendredi 12 mai 2017, par Georges Duray , Jean-Marie Mire

En novembre 2016, à la faveur d’une rencontre en terre lorraine, Georges, Colette et Jean-Marie, adhérents de la 4acg, décident d’organiser des projections de « Retour en Algérie » le film d’Emmanuel Audrain.

A Metz, le « Collectif du 23 juillet 1961 » (voir notre article à ce sujet ), dont Jean-Marie est membre, prend les choses en mains. Il contacte les responsables du cinéma Cameo, qui se révèlent favorables à l’initiative. Et la projection a lieu le lundi 3 avril, devant un public d’une centaine de personnes qui, le moment d’émotion passé, applaudissent spontanément. Après avoir présenté son association « Culture d’ici et de là-bas », qui travaille à créer des liens entre les deux rives de la Méditerranée, l’animateur de la soirée a incité le public à échanger autour du film. Echanges chaleureux, qui ont permis aux anciens appelés présents de témoigner avec émotion de leur vécu algérien. La soirée s’est poursuivie par des discussions autour du film et de la 4acg.

A Nancy
, c’est le Président de l’association « Kaïros » qui s’est posé en partenaire de la 4acg, assurant la publicité et la logistique. La projection, qui a eu lieu le 6 avril en soirée, à la MJC Pichon, a été précédée par la diffusion, sur l’écran, de la lettre de l’historienne Claire Mauss-Copeaux, qui figure dans les compléments du DVD et qui a constitué une parfaite introduction à la soirée.
Cent-vingt personnes s’étaient pressées ce soir-là dans les locaux de la MJC, elles ne l’ont pas regretté, à en juger par l’accueil fait au documentaire et aux échanges auxquels il a donné lieu. Le micro a circulé, les prises de parole se sont succédé durant une heure et demie.

Le film a provoqué de nombreuses réactions dans le public, tant à Metz qu’à Nancy, citons notamment celles-ci :

 je suis née en 36, comment se fait-il qu’on ne se soit pas couchés devant les trains qui emmenaient les appelés ? J’ai un beau-frère qui a beaucoup souffert, il était juif, il aurait tué son sergent si ses camarades ne l’avaient pas empêché
 il y a des gens qui se sont opposés en se couchant sur les rails ; à Metz, il y a eu un certain Jean Muller, un scout rappelé en Algérie
 Jean Muller a été un des premiers à témoigner sur la torture, notamment dans « Témoignage Chrétien » ; au bout de six mois en Algérie, il est mort dans une embuscade ; à Assise tous les scouts-routiers se sont retrouvés avec un ordre du jour et des préoccupations diverses, ce qui a le plus circulé entre nous, c’est le dossier Jean Muller, le quartier général des scouts de France était très divisé
 c’est assez éprouvant de voir ce film ; j’étais parachutiste en 56 dans l’infanterie de marine ; on était tellement manipulés qu’après plusieurs mois de classes, on avait envie d’en découdre ; je me retrouve dans la lettre de l’historienne(Claire Mauss-Copeaux, ndlr) 
 certains sont restés psychologiquement très perturbés, voire avec des problèmes psychiatriques
 né en 47, j’ai deux oncles qui ont fait la guerre d’Algérie, l’un est resté là-bas ; le général Massu était grand ami de mon oncle aumônier militaire, et il était ami de mon père ; lorsqu’il venait à la maison, en 62, j’avais 15 ans, ma stupeur en l’écoutant dire : « lorsqu ’on torturait un fellagha, c’est dix personnes que l’on sauvait » ; Massu se disait très croyant, comment être croyant et autoriser la torture ?
 On nous a appris à détruire les villages ; certains officiers nous poussaient à ramener des trophées ; le plus salaud c’était les mines, ça faisait de la « chair à pâté » ; j’ai etendu un appelé participant à la torture dire : « venez voir les mecs, c’est vraiment jouissif »
 un matin j’ai vu une vieille femme remplir une boîte de conserve avec l’eau de l’oued, elle a fait sa toilette ; on faisait la guerre dans un pays pauvre, qu’est-ce qu’on venait foutre là ?
 J’étais parachutiste dans un commando, je commence seulement à me demander ce que je faisais là-bas, à quoi ça a servi ? On n’en a jamais parlé depuis 62...
 je suis né en 56 à Alger, nous habitions près de la villa Sésini, vers 22/23 heures, de la grande musique montait dans la nuit, derrière on entendait les suppliciés, c’est important que la France reconnaisse les faits
 en 52 avec ma femme nous rendions visite à un beau-frère du côté de Tlemcen, on voit circuler des camions-citerne, des pinardiers amenant le vin à Oran et je vois les Arabes avec leur âne qui passent dans le fossé, et je dis à ma femme « tu vois, ça, il faudra qu’on le paye »
 je connais un Kabyle qui a été alphabétisé par un soldat français, qui posait son arme à l’arrière de la classe. Georges : "j’ai refusé de me rendre à l’école avec une arme"

A Metz comme à Nancy, jean-Marie a créé un grand moment d’émotion en lisant un extrait d’une lettre écrite après son retour d’Algérie. Lettre destinée « à un vieux fellouze » qui lui avait raconté comment il avait échappé à la mort grâce à son intermédiaire. Cette « Lettre » a eu un certain retentissement en Algérie. Un universitaire algérien l’a remarquée, provoquant une correspondance qui devrait déboucher sur une rencontre, en septembre 2017, avec deux anciens maquisards, des habitants d’Ali Charef, ancien camp de regroupement, et deux anciens appelés, Jean-Marie (auteur de la Lettre) et François. Ces derniers sont d’ores et déjà invités à une réception officielle.par le directeur du Musée régional El Moudjahid de Skikda.

Georges Duray et Jean-Marie Mire

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