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Quand les appelés d’Algérie s’éveillent... un ouvrage de Corinne Chaput-Le Bars

jeudi 27 août 2015, par Daniel Dayot

Un travail sur les récits écrits par des appelés en Algérie, voilà à quoi Corinne Chaput-Le Bars a consacré son livre. En énoncer le contenu est facilité par la préface du Professeur Louis Crocq, psychiatre des armées et médecin-lieutenant en Algérie de 1954 à 1959 :

(Corinne Chaput-Le Bars) […] a collecté quatre manuscrits d’anciens appelés – dont celui de son propre père – qui ont participé à la guerre d’Algérie comme appelés du Contingent et, revenus bouleversés, sont restés silencieux quarante ans ou plus avant de se décider à se libérer de leur fardeau par l’écriture […]
Dans une première partie, Corinne Chaput-Le Bars a choisi de larges extraits de ces souvenirs-confessions et nous les présente assortis de sous-titres qui, inspirés par son propre « filtre de perception », proposent des bribes de sens à ces « histoires sans paroles ».
Puis, dans une deuxième partie, elle a procédé à une analyse syntaxique de ces proses, discernant les diverses figures de style et les multiples procédés grammaticaux (« histoire aux cent paroles ») qui donnent forme, vie et présence à ces témoignages ressuscités de l’ombre.
Et enfin dans une troisième partie, rapportant et commentant les entretiens qu’elle a menés avec chacun de ces quatre anciens soldats « restés en souffrance », elle les a amenés à se libérer de leur traumatisme et de leur amertume par l’énonciation spontanée jaillie de ces dialogues (« paroles d’histoire »).

Corinne Chaput-Le Bars, docteure en Sciences de l’Education, maître de conférences, chargée de recherche, chercheuse associée à diverses institutions universitaires françaises ou étrangères a consacré une thèse aux traumatismes de guerre. Cet ouvrage, qui en est issu, est le deuxième d’un diptyque, précédé qu’il a été de « Traumatismes de guerre. Du raccommodement par l’écriture ». Toute sa thèse est là : l’écriture – mais aussi la parole - c’est la catharsis, le moyen de guérison dans « l’histoire blessée des hommes ».

Dans l’interview dont voici le lien :

sa démonstration est lumineuse, en particulier à travers la métaphore de l’homme à terre, muet, écrasé par le traumatisme, puis l’homme debout restauré dans l’estime de soi au fil de l’écriture ; enfin l’homme assis, rasséréné dans l’entretien final avec l’auteure.
En somme elle aurait pu sous-titrer son ouvrage Vie et mort du stress post-traumatique – vision un peu idéale puisque si la souffrance a été surmontée et le « raccommodement » réalisé, demeure la trace de la cicatrice.

Les narrateurs, écrit-elle (on en reconnaîtra de la 4acg), ont su à la fois donner à voir leur expérience et se regarder en train de la vivre pour mieux s’en détacher , ce qui n’induit pas nécessairement leur compréhension des comportements les plus inhumains et les plus dégradants dont ils portent témoignage. C’est là un des mécanismes à l’œuvre dans les quatre récits et que nous donne à voir, à côté de beaucoup d’autres, le travail de Corinne Chaput-Le Bars ; de même qu’elle souligne le caractère essentiellement individuel de la démarche d’écriture des appelés, en-dehors de toute appartenance organisationnelle, même si affleure dans chaque récit une forte solidarité avec les autres appelés embarqués dans la même galère.

En sortant de cette lecture, on ne peut qu’appréhender différemment et désormais avec plus de profondeur les récits d’appelés.

Daniel Dayot

Quand les appelés d’Algérie s’éveillent, Denis, Philippe, Paul et les autres…
Corinne Chaput-Le Bars - éditions L’Harmattan

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