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Mémoires et fraternité, un beau succès à Clermont-Ferrand

mercredi 7 décembre 2022, par Gérard Martin , Philippe Chevrette

Les 25, 26 et 27 novembre 2022 à la Maison de quartier de Croix Neyrat, l’association 4ACG Auvergne organisait une manifestation en partenariat avec une dizaine d’associations.

L’objectif était le suivant : L’AG de Manosque en 2020 a défini la poursuite de l’existence de l’association avec ses seuls(les) amis(es) après la disparition des anciens appelés. Il s’agissait donc d’engager un élan supplémentaire afin de faire connaître la 4ACG au travers de spectacle, musique, projection de film et conférences en direction de tous les publics. Pour cela les thèmes Mémoires et Fraternité ont souligné le cadre particulier du 60e anniversaire des accords d’Evian et l’Indépendance de l’Algérie.
Cette manifestation organisée pour la toute première fois par l’équipe de la 4ACG Auvergne a visé un projet ambitieux, volontaire, culturel et fraternel. Dès les premières réflexions engagées il nous a semblé évident de réunir, en partenariat, des associations humanistes. Avec certaines d’entre elles nous avions déjà œuvré dans des actions communes. Pour d’autres il s’est agi d’une nouvelle rencontre qui nous a permis de nous connaître et confirmer des collaborations futures.

Une logistique et un savoir faire partagé par l’équipe d’Auvergne.

L’équipe de la 4ACG régionale a rassemblé un certain nombre d’atouts pour réaliser ce type de projet. Tout d’abord avec la présence d’adhérents(tes) de la 4ACG Auvergne qui connaissent le « monde » associatif et son fonctionnement et par ce fait des personnes ressources sont apparues avec des compétences diverses ( conception, réalisation des affiches et programmes et badges pour l’équipe organisatrice, communication, distribution des programmes et affichage, information de la presse et radio avec articles et interviews, contact auprès des services culturels de la ville, gestion du dossier de subvention auprès de la Mairie, déplacements pour l’accueil des intervenants, hébergement chez les adhérents, agencement des espaces dans la salle, tournage vidéo du week-end, interrelations avec les associations partenaires etc ...) C’est ainsi que nous avons pu élaborer une bonne communication, encore insuffisante certes, car trop peu d’adhérents présents sur Clermont-Ferrand.
Nous avons pu répondre à tous les aspects techniques et ainsi suivre sur les trois jours une véritable gestion des lumières et du son que ce soit lors des spectacles « J’avais vingt ans » et le Duo Escales mais aussi lors de la présence des conférenciers universitaires, les appelés auteurs de livre, et enfin les représentants des associations.
Concernant la lourdeur de ce que peut être la gestion de l’alimentation lors de ce genre de manifestation où beaucoup de taches nous incombent, d’emblée nous avons fait appel à un food-truck Lalibela sur place. Le public qui s’est restauré a apprécié la qualité de ce qui était proposé (repas saveur Ethiopienne). Pour les boissons et le café ce sont les dames de l’association « Espoir de femmes » qui ont contribué a proposé des boissons pendant tout le weekend. Ce sont elles qui nous ont permis de déguster des pâtisseries algériennes pour clore le week-end.

Cela résume l’esprit que nous voulions faire vivre, c’est à dire partager entre toutes et tous de la culture, de la connaissance, mais aussi par le goût et la saveur des douceurs du Maghreb. Rien de tel que de partager des derniers instants d’un WE riche en émotion où les rencontres ont été nombreuses que ce soit du côté des associations que du côté du public en lien avec les acteurs de la 4ACG Auvergne sans oublier la présence d’Eric Sirvin président accompagné de Rémi Serres membre fondateur.
Le plaisir de la rencontre a été le vecteur de l’identité de ces journées. Quelle émotion d’accueillir notre ami René Knégévitch auteur du livre « Il neigeait sur le Djebel Amour ».
Pour des raisons de santé celui-ci n’était pas certain de venir et pourtant le samedi matin il était bien là, lui qui arrivait de Limoges porteur d’une santé fragile. La porte de la salle de la Maison de quartier franchie, René était rayonnant et comblé de trouver des oreilles attentives autour de son intervention. Ce jour là il découvre enfin Serge Pauthe, ancien appelé, auteur du livre « J’avais vingt ans ». Lors de sa sortie il avait lu son livre et souhaitait un jour vivre cette rencontre avec l’auteur. Ce fut fait et quelle chaleur que cette rencontre entre les deux hommes porteurs d’une écriture d’appelé. Serge Pauthe, lui aussi a failli manquer le rendez-vous du week-end. Quelques jours auparavant il était encore souffrant d’une mauvaise bronchite. Il a pu nous offrir un spectacle touchant, drôle et grave à la fois à partir des lettres qu’il a écrites à ses parents pendant la guerre d’Algérie. Metteur en scène de ses lettres, il nous a offert la grandeur de son talent de comédien. Un grand moment partagé entre ambiance d’une guerre sans nom et ce qui fonde l’existence d’un jeune homme de vingt ans face à l’improbable et l’indicible.

Des moments d’émotion

Tous les deux se sont retrouvés pour nous parler de la genèse du choix de l’écriture. Encore un moment intense cousu de mains de maître pour éclairer leur démarche originale pendant ce long service militaire imposé. La qualité et la profondeur de leurs propos ont conquis un auditoire avide de connaissances pour les uns et une confirmation de leur vécu pour les autres. Leurs propos ont fait résonner le poids de l’inhumanité de l’armée française et la résistance individuelle de l’esprit bousculée par leur culpabilité. Leurs interventions ont alterné entre l’intrapsychique personnel, la vie quotidienne et le lien avec le contexte historique et politique. La richesse des propos en profondeur ont alimenté nos propres réflexions sur la condition humaine. Un long moment d’échanges avec le public a contribué à confirmer ou infirmer une compréhension dont la clarté a puisé dans leurs réponses. On a pu écouter un duo de conférenciers qui ont puisé, avec humilité et humanité, au plus profond de l’être humain qu’ils sont et des hommes humanistes qu’ils sont devenus. Un grand moment pour la mémoire de la 4ACG Auvergne.
Les deux conférenciers que sont Gilles Manceron et Tramor Quemeneur ont enrichi notre soif de la connaissance du côté de la colonisation pour le premier et du côté de la notion de résistance et du parcours des appelés pour le second. On peut dire que ce furent deux moments intenses. Le public présent était avide de questions et d’interventions à leurs égards. Autant dire que réunir ces deux hommes spécialistes de l’histoire autour de cette période 1954/1962 était une gageure. Le pari a été réussi et le public ravi. Ces deux hommes nous ont « nourris » et permis de porter loin notre réflexion sur cette période qui a abouti à l’indépendance de l’Algérie. Il nous fallait bien cela tant cette période est porteuse d’une complexité politique, sociale et historique. Nombre d’entre nous est reparti avec un ou plusieurs livres dédicacés. La lecture sera alors le prolongement de ce week-end. Nous regrettons l’absence, pour des raisons médicales, de Catherine Milkovitch Rioux professeure de littérature contemporaine.
Autour de la librairie « Les raconteurs d’histoires » de Chamalières les personnes présentes ont prolongé leur curiosité pour s’informer et comprendre cette période de la guerre d’Algérie qui ne nous a pas tout révélé de sa complexité.
Bien sûr les échanges informels et fraternels ont eu lieu tout au long du week-end. Les nouveaux adhérents de la 4ACG ont pu faire connaissance auprès du groupe et de plus ont découverts des associations et un public concerné. Nous pouvons d’ores et déjà souligner que cette première manifestation, dans son ampleur, et son écho relationnel, s’est inscrite d’une façon concrète dans les valeurs de la 4ACG. Nous prenons conscience que notre démarche répond à un besoin du savoir mais aussi d’un engagement d’un rapprochement entre les hommes et les femmes dans un quartier multiculturel. Nous sommes conscients que ce type de manifestation, si elle n’est pas originale, s’inscrit dans une vision d’un monde où la place de chacun et chacune contribue à la richesse d’une construction de pensée, de l’acceptation de l’autre, sujet d’une histoire aux saveurs et aux parfums multiples.
Et puis il y eut la projection du film « Ne nous racontez plus d’histoires ». Ferhat Mouhali son réalisateur arrivé tout droit de Marseille en fin d’après-midi nous a fait l’honneur d’accompagner cette projection.
Lors de la construction du film il observe très vite avec Carole sa femme et co-réalisatrice qu’il y a deux histoires officielles de chaque côté de la Méditerranée. Il leur apparait essentiel d’interroger les témoins de cette période de l’Algérie française et interroger les lieux comme les camps, les villages etc...Ils ont construit leur film d’une façon contemporaine en sortant du schéma classique du documentaire historique. Sans haine et sans jugement le film parle des hommes et des femmes en France et en Algérie. Cette réalisation cinématographique se construit avec dignité, souffrance, vérité et bienveillance.

Rémi évoque la naissance de la 4acg

La journée du dimanche se terminera par l’intervention de Rémi Serres, membre fondateur de l’association. Nous avons alors vécu un grand moment. Les premiers mots de Rémi interrogent la place que représente la 4ACG aujourd’hui dans l’espace social de notre société. Il se questionne et dit-il « il faudra l’assurer car demain il faudra donner un avis ». « De quatre paysans à passer à ce stade là, on avait pas prévu ça ». En quelques mots il relate la création de l’association en 2004 et revient sur sa présence en Algérie ou il y avait, dit-il, la misère, la mort, la torture. C’est par cette dernière qu’il a été le plus marqué.
Il se questionne, lui le paysan des montagnes de l’Aveyron : pourquoi avons-nous été ceux par qui la 4ACG a vu le jour ? Alors il avance une hypothèse : peut-être que eux les paysans connaissaient l’effort nécessaire pour que la terre nourrisse les hommes et les bêtes. La mémoire lui revient quand il précise que certains s’amusaient à tirer sur le bourricot, ce tracteur du paysan algérien. D’autres perçaient les jarres de 50 kg d’orge, la provision de l’année et puis d’autres mettaient le feu dans le foin de l’année pour les trois chèvres et le bourricot. « Nous paysans nous savions ce que tout cela représentait ».
Ces quatre paysans, anciens appelés du contingent, décident alors de refuser leur pension militaire pour la reverser pour aider les associations en Algérie. Puis il y eut l’émission de Daniel Mermet « Là-bas si j’y suis », très écoutée il y a quelques années sur France Inter. C’est cette émission qui a « lancé » l’association. Et le nombre d’adhérents a augmenté peu à peu. Puis ce fut le bouche-à-oreille et la presse nationale avec Le Monde, La Croix, etc Aujourd’hui c’est environ 80 ?000 à 100 ?000 euros par an qui sont distribués. Puis il y a eu les voyages en Algérie à la rencontre des moudjahidines. Il rencontrera ainsi Djoudi Attoumi ( ancien officier de l’ALN en Kabylie de 1956 à 1962 ). « Hier on s’entretuait et aujourd’hui on se retrouve ». On a mangé dans sa maison, et voilà l’absurdité de la guerre . Là-bas nous étions de vrais nazis. Pas un chat n’avait la vie sauve et voilà que cinquante ans plus tard on mange ensemble ».
Ce racisme qui monte c’est l’arbre que certains ne veulent pas voir. On a une responsabilité face à ça, il faut se rapprocher avec le peuple.. et comment ? Cherchons ensemble. A notre façon de rendre le monde plus juste. A la question : quelle est l’origine de la guerre d’Algérie il répond « Y’a d’abord ceux qui décident la guerre, les politiques. Pour s’agrandir, pour le pouvoir puis il y a les fabricants d’armes, vendre la marchandise. Et il y a l’armée de métier qui est faite pour faire la guerre. Quand celle-ci se met en marche les gradés montent plus vite. Alors il y a les petits soldats à qui on monte le coup dont moi. Ces terroristes, qu’on nous avait dit, en réalité c’était des gens qui voulaient un peu de justice. Quand tu as un copain qui meurt à côté de toi, tu as envie de le venger. En Algérie on a rencontré des gens qui nous disaient que peut-être il ne fallait pas faire la guerre. Gandhi et Martin Luther King ont fait autrement pour mettre la colonisation dehors. Deux millions de gens ont été déplacés dans les camps de regroupement. Tout simplement ils crevaient de faim et de froid. On aurait pu faire autrement, je ne sais pas. Il faut retenir que la guerre c’est l’escalade. Celui qui paye dans la guerre c’est le petit soldat. Si ceux qui commandent la guerre ils la faisaient il n’y en aurait pas ». Lors des voyages en Algérie Rémi rappelle qu’ils ont été accueillis comme des frères. « Et nous ? serions-nous capables de dire pareil ? bienvenue, bienvenue ».
« Devenons militants pour supprimer les frontières parce que tant qu’il y aura des frontières il y aura des guerres et devenons citoyens du monde ».

Le nouveau et premier président ami, Eric Sirvin souligne, par ses premiers mots, les choix de la 4ACG qui sont culturels, humanistes, sociaux pour l’amitié entre les peuples. Il précise que l’argent récolté se distribue comme suit : 60% pour l’Algérie, 30% pour la Palestine, et 10% pour des causes où il y a une lutte contre la guerre. Il revient sur les voyages qui ont permis la fraternisation entre anciens appelés et anciens de l’ALN puis les amis, peu à peu les ont rejoints. Le nouveau président insiste sur l’intérêt de fraterniser les jeunes générations entre elles pour porter un autre regard et nourrir le vivre ensemble, telle est la tâche qu’il s’est donnée dans ses nouvelles fonctions. Puis il s’agit de réfléchir autour de la situation des migrants. Et dans l’actualité des mauvais jours à l’Est, il s’agit de se poser la question comment créer des liens avec le peuple ukrainien et le peuple russe. A nous de tisser de nouveaux liens. Il rappelle les interventions pour la mémoire dans les collèges et lycées.
Enfin il conclut en remerciant l’équipe de la 4ACG Auvergne pour la réalisation de ces trois jours « formidables » et l’ensemble des associations partenaires présentes.
Nous nous quittons toutes et tous, plein d’espoir, après avoir dégusté les succulents makrouts, cornes de gazelles et autres douceurs algériennes et savourer un excellent thé à la menthe préparé par l’association Espoir de femmes.

Associations présentes

Amitié France Algérie de Vichy/Association France Algérie pays d’Auvergne/Association France Palestine Solidarité 63/Anis Étoilé/Coup de soleil Auvergne-Rhône Alpes/Espoir de Femmes/Le Cercle d’Omeyma/La Ligue des Droits de l’Homme Puy de Dôme/Amnesty International/La Ville de Clermont-Ferrand

Cette manifestation aura permis l’accueil et l’adhésion de deux nouveaux membres au sein de la 4ACG Auvergne.

Pour l’équipe de la 4ACG Auvergne : Philippe Chevrette, Gérard Martin

Un article du quotidien "La Montagne" sur la manifestation :
https://www.lamontagne.fr/clermont-ferrand-63000/actualites/spectacles-et-conferences_14228965

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