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Massacre du 17 octobre 1961 : “La reconnaissance de l’implication de l’État est une première étape”

dimanche 31 mars 2024, par Gérard C. Webmestre , Michel Berthelemy

par Natacha Marbot. Télérama, 28 mars 2024

L’Assemblée nationale a adopté ce 28 mars la résolution condamnant le massacre d’Algériens par la police lors d’une manifestation pacifique, proposée par l’élue écologiste Sabrina Sebaihi.

Vue d’un pont à Paris, sur le parapet duquel est l’inscription : « Ici on noie les Algériens », à la suite des massacres commis lors de la manifestation du 17 octobre 1961. Le 6 novembre 1961.

« C’est une victoire symbolique, une importante étape mémorielle. » Ce 28 mars, la députée écologiste Sabrina Sebaihi a obtenu le vote à l’Assemblée nationale d’une résolution intitulée « Reconnaissance et condamnation du massacre des Algériens du 17 octobre 1961 à Paris ». S’il a suscité de vives réactions à droite, le texte a finalement obtenu le soutien de la majorité présidentielle.

Le 17 octobre 1961, une manifestation pacifique d’Algériens, à l’appel du FLN, est réprimée dans le sang par la police parisienne. Les morts se comptent en dizaines, voire en centaines, et leurs corps sont jetés dans la Seine. « C’est la plus forte répression policière sur une manifestation pacifique de notre histoire contemporaine », affirme Sabrina Sebaihi. La députée de la quatrième circonscription des Hauts-de-Seine (92) s’est intéressée au sujet à la demande d’associations locales et de ses électeurs : « Une grande partie des manifestants du 17 octobre venaient des bidonvilles de Nanterre, qui se trouve dans ma circonscription. Le souvenir est encore vif chez les habitants. » Un an après l’échec d’une version ayant rencontré de nombreuses oppositions, notamment de Renaissance, qui la jugeait trop radicale, la députée propose cette fois un texte soutenu à la fois par les groupes de gauche et la majorité présidentielle.

Quels sont les points saillants de la résolution que vous présentez le 28 mars devant l’Assemblée nationale ?

C’est la première fois qu’un texte reconnaît et condamne le massacre du 17 octobre 1961. L’un des objectifs était de nommer précisément, avec son titre, le préfet Maurice Papon [responsable de la police de Paris, ndlr]. La mention de « préfet » est essentielle car elle pose la responsabilité de l’État, même à travers son émanation décentralisée. C’est une réelle avancée car, jusqu’alors, les présidents Macron et Hollande avaient mentionné le nom de Maurice Papon, sans son titre. La reconnaissance de l’implication de l’État est une première étape vers l’objectif final, qui est de remonter la chaîne de responsabilités pour prouver – ou non – le crime d’État.

L’autre point fort du texte est l’instauration d’une journée de commémoration officielle nationale – même si elle existe déjà dans certaines villes comme Paris. Grâce à ces commémorations, tout le territoire pourra entendre parler de cet événement et pensera aux victimes du massacre, évaluées autour de deux cents, qui sont les grandes oubliées de l’histoire française.

Pourquoi avoir opté pour une résolution et pas une proposition de loi ?

Une proposition de loi aurait amené l’opposition à multiplier les amendements pour la contrer, ce qui aurait sans doute abouti à la vider de sa substance. Nous aurions probablement assisté à de nombreuses prises de paroles inadmissibles, alors qu’il s’agit de vies humaines, de familles encore endeuillées.
J’ai préféré procéder pas à pas : cette résolution permet d’entrer dans une nouvelle ère. Elle ouvre la voie aux historiens pour qu’ils s’emparent des archives, qui sont ouvertes, et continuent le travail, long et fastidieux, de reconstitution des faits et des responsabilités. La résolution a certes une valeur juridique moins forte qu’une loi [par une résolution, l’Assemblée nationale émet un avis sur une question, ndlr], mais quand je vois le parcours du combattant qu’a été son écriture, je trouve qu’il s’agit quand même d’une victoire symbolique. Je pense que la France est prête à regarder son histoire en face. Hormis les derniers nostalgiques de l’Algérie française, une majorité de personnes n’ont elles-mêmes pas connu la colonisation et sont donc plus enclines à assumer les taches sombres de notre passé.

Le texte devait être présenté lors de la niche parlementaire des écologistes en avril 2023, que s’est-il passé depuis ?

Le texte d’il y a un an suscitait trop d’oppositions. Par respect pour les familles de victimes, j’ai préféré le retirer et le retravailler jusqu’à être sûre qu’il soit voté. Se heurter à un échec aurait fait du mal à la cause. Le texte final n’a été validé il y a seulement moins d’un mois, à la suite de très nombreux allers-retours avec l’Élysée, qui au départ n’y était pas du tout favorable.

Quels ont été les points de divergence ?

J’ai été en lien avec plusieurs conseillers du président, dont Bruno Roger-Petit [conseiller mémoire du président, ndlr], qui était au départ contre la journée de commémoration et fermement opposé à la mention de « crime d’État ». Je ne sais pas si le général de Gaulle a commandité les arrestations et la répression, nous n’avons de preuve ni dans un sens ni dans l’autre. Ce qui est certain, c’est qu’une fois que l’Élysée a été au courant des faits du 17 octobre 1961, il n’y a pas eu d’arrestations ou de condamnations de ceux qui les ont commis, y compris du préfet Papon. Mais pour que le texte passe et ouvre la voie à la suite, il nous a fallu faire des compromis, et nous avons retiré – à regret – la mention de « crime d’État ».

Source :

https://www.telerama.fr/debats-reportages/massacre-du-17-octobre-1961-la-reconnaissance-de-l-implication-de-l-etat-est-une-premiere-etape-7019867.php

lire aussi l’article du Monde  : https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/03/28/massacre-du-17-octobre-1961-l-assemblee-nationale-adopte-une-resolution-reclamant-une-journee-de-commemoration_6224617_823448.html

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