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Rencontre à l’IMA sur la transmission des mémoires de la guerre d’Algérie

samedi 12 mars 2022, par Christian Travers

Le jeudi 24 février, à l’Institut du Monde Arabe (IMA) s’est tenue une table ronde, dans la série « les rendez-vous de l’actualité » qui avait pour titre : Colonisation et guerre d’Algérie : quelle transmission des mémoires ?

A l’approche du soixantième anniversaire des accords d’Evian, la question de la transmission de la mémoire autour de la colonisation et de la guerre d’Algérie revêt une importance cruciale. Sujets longtemps tus dans la sphère familiale, leur enseignement à l’école en est rendu d’autant plus nécessaire. A l’heure où les archives s’ouvrent, où la parole se libère, où l’histoire se révèle y compris dans ses zones grises, comment aborde-t-on aujourd’hui ces sujets à l’école de la République ? Quelle place ont-ils dans les programmes scolaires ? Quel accompagnement prévoir pour les enseignants dans l’approche de ces questions qui touchent à l’héritage familial de bien des élèves, et des enseignants eux-mêmes ? 

C’est une thématique au cœur des préoccupations de la 4acg et Annick Jullion, Stanislas Hutin et Christian Travers étaient dans la salle.

Autour de la table :
Benoit Falaize  : historien, universitaire, Inspecteur Général de l’Education Nationale, spécialiste de l’enseignement de l’histoire à l ‘école.
Mohand –Kamel Chabane : historien, professeur d’histoire géographie en collège, résolu à affronter en cours les questions socialement vives dans ce que l’on a, à tort, désigné comme « les territoires perdus de la République ».
Tramor Quemeneur, historien, universitaire, spécialiste de la guerre d’Algérie que nous connaissons bien. Il était chargé, en l’absence de Pierre Haski, d’animer le débat.
Trois jeunes de 18 à 35 ans, membres du groupe « Regards de la jeune génération sur les mémoires franco-algériennes ». Récemment réunis autour du président Macron, ils sont tous petits-fils de militaires, de harkis, de pieds noirs, de juifs ou de combattants du FLN.

Sur le plateau il y avait : Hakim, 24 ans dont le grand-père était membre du FLN à Nanterre. Yoann, 35 ans, descendant de juifs d’Algérie, enraciné à ce titre dans les conséquences de la guerre, Juliette, 20 ans dont un grand-père qui n’a jamais parlé fut appelé du contingent et qui souhaite se réapproprier sa mémoire.

Le débat a donc tourné, avec les regards de deux générations, celle des professeurs et celle des apprenants, autour des conditions de la transmission avec ses rejets et ses silences au sein de l’école et au sein de la société.

Dans leur ensemble les jeunes ont exprimé qu’ils n’ont aucun souvenir ou très peu de souvenir d’un enseignement sur la guerre d’Algérie. Ils signalent néanmoins et parfois des évocations de la colonisation mais pas de la guerre, de la guerre mais pas de la colonisation, du tiers- monde… et très vite un des jeunes évoque à propos des massacres du Ruanda la force des témoignages.

Benoit Falaize indique que la guerre d’Algérie est présente dans les programmes scolaires en 3e depuis 1970 et dans ceux des lycées depuis 1983 et que même des manuels scolaires avaient anticipé.

Mais les professeurs jouissent d’un temps limité et d’une grande liberté. Il précise aussi que l’apport de nouveaux historiens comme Sylvie Thenault sur la justice et de Raphaëlle Branche sur la torture a constitué un tournant et a ébranlé les professeurs.

Kamel Chabane, qui a l’expérience des témoignages dans les écoles souligne l’importance qu’ils ont pour les élèves. C’est pour le professeur, un risque, un engagement, car des divergences peuvent naître entre le témoins qu’il faut savoir gérer avec le nécessaire recul de l’historien. Mais il indique aussi que des témoignages forts, voire partisans, sont une occasion de déconstruction de présupposés, de stéréotypes qui donnent prétexte à de stimulants débats qui se prolongent souvent dans les familles. L’impact est toujours très puissant et durable et Kamel Chabane cite à ce sujet l’action de la 4acg. Juliette souligne : « cela apporte de la chair à l’histoire ».

La formation initiale et continue des professeurs est insuffisante. Certains d’entre eux n’ont jamais eu d’enseignement sur la colonisation et la guerre d’Algérie et l’on peut comprendre qu’ils soient mal à l’aise pour traiter de cette question « socialement vive ».


Mémoires : l’école au secours de la famille ?

Parmi les jeunes, aujourd’hui on indique que l’intérêt pour la colonisation et la guerre d’Algérie est très variable. Les nombreuses productions culturelles actuelles souvent de grande qualité attisent l’intérêt.

Les jeunes participants soulignent que la Cinquième République est née de la guerre et qu’en France de nombreux problèmes politiques et sociaux découlent de cette suite d’événements tragiques. L’exigence de vérité et de reconnaissance est partout.

L’Algérie est une passion française et des millions de jeunes sont impactés. Pour beaucoup d’entre eux aller en Algérie pour découvrir ce pays et ce peuple accueillant est un rêve.

La transmission des mémoires si elle est en premier lieu le rôle de l’école peut se faire aussi par les commémorations, les livres, les films, un musée/institut, un office franco-algérien de la jeunesse. Toutes ces démarches doivent converger pour, à partir d’une mémoire apaisée, construire le vivre ensemble.

Christian Travers

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