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Les Algériens savent bien que la présidentielle est “de la poudre aux yeux”

vendredi 6 septembre 2024, par Michel Berthélémy

Le pays s’apprête à tenir, le 7 septembre, une élection présidentielle dont la seule incertitude est le taux de participation, tant la réélection du président sortant, Abdelmadjid Tebboune, semble assurée. “Le Matin d’Algérie” analyse une campagne électorale où la pluralité n’est que de façade.

Courrier international – 26 août 2024
source : Le Matin d’Algérie

Que les choses soient claires : les Algériens et ceux qui connaissent le marigot de la politique algérienne savent pertinemment que la présidentielle est de la poudre aux yeux. [Le président sortant Abdelmadjid] Tebboune [au pouvoir depuis 2019] gagnera cette pseudo-élection avec un taux stratosphérique et restera chef de l’État.
En ce huitième jour d’une campagne électorale ubuesque [commencée le 15 août] et sans relief, peinant à accrocher grand monde, l’image renvoyée par les comptes rendus de presse des meetings et des sorties effectuées par les différents candidats pour les besoins de la campagne électorale est saisissante : Youcef Aouchiche [premier secrétaire national du Front des forces socialistes, ou FFS, parti fondé par Hocine Aït Ahmed, qui se définit comme de gauche et laïc] et Hassani Cherif [président du Mouvement de la société pour la paix, ou MSP, un parti politique considéré comme islamiste modéré] tentent difficilement d’exister face au chef d’État-candidat, Abdelmadjid Tebboune, qui dispose d’une puissante ingénierie électorale.

Un combat inégal

Une grosse machine constituée d’une direction de campagne dirigée par le ministre de l’Intérieur, Brahim Merad, avec des dépendances dans toutes les wilayas [collectivités territoriales] et surtout d’une armée de partisans et de soutiens qui lui permettent de ratisser et de parcourir, par défaut, le pays profond pour transmettre son message. Les moyens de l’État, y compris les médias publics, sont mis au service de Tebboune
A contrario, tel le coureur de fond reclus dans sa solitude, les candidats du FFS et du MSP sont astreints à payer de leur personne, s’échinant à aller de ville en ville pour rencontrer les citoyens. En vain !
Ce faisant, ils livrent un combat aussi douteux qu’inégal contre un adversaire qui mène une campagne tranquille, ne se donnant même pas la peine de s’engager pleinement dans la bataille.
En clair, Tebboune fait la course tout seul. Le seul adversaire qu’il peut avoir est sa propre personne. Autrement, tant qu’il aura l’onction de l’État profond, rien ni personne ne l’empêchera d’être chef de l’État après le 7 septembre. L’affaire est cousue de fil blanc.

“Carnaval” électoral

Engoncé dans sa posture suffisante du champion qui est sûr de ses forces, le chef de l’État-candidat à sa propre succession renforce, de ce fait, l’idée largement partagée qu’il sera reconduit à son poste.
Une semaine après le début de cette pseudo-campagne électorale, Abdelmadjid Tebboune continue de vaquer à ses activités officielles de chef de l’État comme s’il n’était nullement concerné par le carnaval qui se joue dans certaines salles et rues. Il n’a organisé qu’un seul meeting, à Constantine, laissant l’initiative à une armée de sous-fifres, grands artisans de la brosse à reluire pour le soutenir et diffuser sa propagande.
Pas moins de 15 partis politiques, dont le FLN [Front de libération nationale, parti historique fondé pour demander l’indépendance algérienne], le RND [Rassemblement national démocratique, traditionnellement allié du FLN], le Front El-Moustakbal [ou “Front de l’avenir”, parti qui a appelé à une nouvelle candidature du président Tebboune], le Parti voix du peuple [qui a également appelé à une candidature Tebboune], auxquels sont venus s’ajouter des sigles qui servent d’emballage à une flopée de personnes qui se gargarisent du titre de chef de parti politique et d’organisations dites de la société civile, se chargent d’organiser meetings et sorties de proximité. Même Naïma Salhi, condamnée pour propos racistes [jugée pour un discours anti-Kabylie], est de la partie. La situation est illustrée par l’agenda du jeudi 22 août, huitième jour de la campagne électorale.
Alors que le candidat du Front des forces socialistes (FFS), Youcef Aouchiche, était à Chlef [nord du pays], où il a organisé un meeting, Abdelaali Hassani Cherif, du parti islamiste MSP, était successivement à Cherif et Médéa [près d’Alger], dans la matinée, puis à Blida [au sud-est d’Alger], dans l’après-midi.
La direction de campagne du candidat Tebboune a organisé une rencontre interactive avec des représentants du mouvement associatif et des organisations nationales, à la salle de cinéma Algeria, à Alger.

Machine de guerre

Des meetings populaires ont été animés au profit du même candidat par le parti du Front de libération nationale (FLN) à la maison de la culture Mohamed El-Amine-El-Amoudi, à El-Oued, puis à la salle de conférences Saci-Hocine à Biskra.
Dans la même journée, des membres de la direction de campagne électorale du même candidat étaient la maison de jeunes Hassan El-Hassani de la commune de Bouzaréah, près d’Alger, pour s’adresser aux citoyens.
Des meetings populaires ont été aussi organisés par le Front El-Moustakbal dans la wilaya déléguée de Barika et un autre à Biskra. Tadjamoue Amal El-Djazaïr (TAJ), de Fatma Zohra Zerouati, devait, quant à lui, animer un meeting au Centre culturel islamique à Chlef. Des meetings sont aussi animés par le parti Front du militantisme national (FMN), à la salle de cinéma de la commune de Ben M’hidi à El-Tarf, et par l’Union nationale des femmes algériennes (UNFA) à la salle de cinéma Es-Saada à Oran. Le parti Sawt Echaab s’est contenté d’une activité de proximité dans la commune de Bordj Bounaama, à Tissemsilt. Une véritable machine de guerre qui joue aussi sa survie.
La lutte s’annonce donc inégale, mais peu importe : cette chamaillerie électorale ultramédiatisée est avant tout un formidable coup de pub pour les candidats du FFS et du MSP, qui, bien qu’ils soient les seuls à ne pas croire que les dés sont pipés et que la joute électorale du 7 septembre est perdue d’avance, auront une petite compensation : ils bénéficient d’une visibilité illusoire pendant cette courte séquence électorale avant de rentrer de nouveau dans le rang. Quand la chape de plomb sera déployée sur la vie politique du pays.

Samia Naït Iqbal

https://www.courrierinternational.com/article/analyse-la-presidentielle-en-algerie-est-de-la-poudre-aux-yeux-et-les-algeriens-le-savent_221460

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