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Lettre au Président de la République

vendredi 28 septembre 2018, par René Moreau , Alain Desjardin , Gérard Webmestre

Le 27 septembre 2018
Monsieur Le Président de la République
Secrétariat Particulier
Palais de l’Elysée
55 rue du Faubourg Saint Honoré
75008 Paris

Monsieur le Président,

Après votre déclaration du 13 septembre 2018 qui a enfin débloqué la situation qui durait depuis la disparition de Maurice Audin, et en même temps que la reconnaissance des responsabilités de l’État et de l’armée française a ouvert un espoir pour sa famille de retrouver le corps de Maurice Audin.

Notre association 4acg, qui s’était jointe à tous ceux qui demandaient ce geste si important et plein de significations de la reconnaissance de ce crime, ne peut que vous remercier chaleureusement avec émotion et vous exprimer sa gratitude pour ce pas décisif.

Cette satisfaction ne saurait cependant effacer, et nous laisser oublier, les autres cas qui continuent de porter une ombre sur les relations franco-algériennes.

Il y a bien sûr tous ceux qui ont subi un sort semblable à celui de Maurice Audin. Mais, pour ceux-là, nous notons avec espoir la création d’un site dédié aux recherches des disparus dans cette guerre. Ce site « http://1000autres.org/ », qui devrait faciliter les recherches des familles et les découvertes de fosses communes et de charniers, est dû à l’association Maurice Audin et à des historiens qui avaient aussi ouvert le site « http://histoirecoloniale.net/ » en reprenant les travaux du propre site du militant de la LDH Toulon, également membre de la 4acg, le regretté François Nadiras.

Cette ouverture répond à de vrais besoins des familles algériennes et cette extension vers tous ces cas va en être un peu facilitée grâce à votre impulsion historique.

La France colonisatrice a pratiqué, de 1830 à 1962, différentes formes d’humiliations du peuple algérien. Ne désirant pas voir et entendre les aspirations nobles du peuple à la liberté et à l’égalité des droits, une manifestation pacifiste à Sétif le 8 mai 1945 est réprimée dans le sang. Elle sera suivie de l’assassinat de plus de 100 européens, et occasionnera le massacre de plusieurs dizaines de milliers d’algériens des villes et des villages de Sétif, Guelma, Kherrata. L’impunité de ces crimes et l’absence d’ouverture de dialogue avec les diverses forces représentatives algériennes et européennes conduira, en 1954, à la naissance de la guerre d’indépendance.

Soldats et gradés, appelés et rappelés, nous seront invités à pratiquer la « pacification ». Non, ce fut une sale guerre, dont la majorité d’entre nous restons traumatisés par celle-ci : tortures et viols généralisés, ratissages et regroupements en camps de concentration des populations rurales, destructions systématiques des faibles réserves alimentaires et abattages des troupeaux et volailles, incendies et bombardements de milliers de douars...

A l’issue de la deuxième guerre mondiale la France, pour reconstruire le patrimoine bâti détruit et dynamiser son économie, a eu besoin d’une main d’œuvre immigrée. C’est durant la guerre d’Algérie, que le FLN de France appela les immigrés à une manifestation pacifiste à Paris le 17 octobre 1961. Le préfet Papon et la police à son service, occasionnera la plus grande humiliation et le massacre de centaines de personnes depuis le Pont Saint Michel. Puis, ce fut Charonne... Tous ces crimes sont restés sur le chemin de la réconciliation avec le peuple algérien.

Nous saluons positivement votre décision concernant les harkis. Pour cet aspect de la réconciliation entre algériens, il est nécessaire de rappeler ce que nous avons vu des pratiques des politiques français et de l’armée à l’égard des harkis, dont de jeunes de 16-18 ans, pauvres et incultes, qui ont été utilisés pour attirer la haine et diviser les populations rurales de ce pays.

Nous pourrions être amenés à penser qu’une reconnaissance globale de tous les crimes qui ont déshonoré la France, durant toute la période coloniale, serait la méthode la plus indiquée, sans oublier les autres crimes d’État au Cameroun, à Madagascar, et les assassinats ciblés de militants politiques indépendantistes.

Nous avons salué le courage et la signification du pas que vous avez fait le 13 septembre. Nous vous encourageons pour faire aboutir le fol espoir de reconnaissance des crimes d’État de la France dans ses pratiques coloniales, pour l’élaboration de partenariats solidaires et de paix avec l’ensemble de ces pays, de l’Afrique et d’autres continents.

Nous continuons de penser que la création d’un Office Franco-Algérien de la Jeunesse (OFAJ), dont nous avons fait état dans un précédent courrier, doit prendre sa place dans l’avenir des relations entre les peuples algérien et français.

Dans cette attente,

Nous vous prions, Monsieur le Président de la République, d’accepter nos salutations sincères et respectueuses.

Alain Desjardin
Président de la 4acg

René Moreau
Secrétaire de la 4acg

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