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"Hors la loi", le film de Rachid Bouchareb, relance la contoverse...[

Les massacres du 8 mai 1945

Les "nostalgiques" refusent toujours de regarder l’histoire en face

mardi 25 mai 2010, par Gérard C. Webmestre

Ce n’est pas le hasard si, tout à coup, l’extrême droite colonialiste se réveille pour clamer son indignation contre le film de Rachid Bouchareb. Car, en rallumant une vaine querelle sur le bilan exact des massacres et en bénéficiant de la mansuétude démagogique du pouvoir actuel, elle laisse toujours dans l’ombre les raisons économiques et politiques qui allaient provoquer la guerre d’Algérie.

Incapables d’analyser les évènements au-delà de leurs rancœurs personnelles - que l’on peut comprendre, car les pieds noirs ont également souffert de deuils cruels-, les nostalgiques de l’Algérie française demeurent braqués sur un constat qui, pour eux, excuse tout : les massacres ont eu lieu des deux côtés, la France n’a donc rien à se reprocher.

Ils se refusent à reconnaître la responsabilité première d’une politique qui n’avait aucune considération pour le statut des "indigènes". Politique dont ils ont toujours soutenu les pires excès.

Alors, lorsque des chercheurs et/ou des historiens leur rappellent les facteurs objectifs de la guerre puis de l’indépendance, ils n’ont plus que des insultes comme arguments, car ils se refusent à "voir plus loin que le bout de leur nez".

Pourtant l’enchaînement des causes et des affrontements qui en résultent s’explique simplement. Et lorsque Benjamin Stora livre son analyse sur les massacres du 8 mai 1945 et le déclenchement de la guerre comme il vient de le faire encore à Rennes le 19 mai devant 150 auditeurs invités par l’association Rennes-Sétif, il récolte les insultes habituelles de la part de l’extrême droite : Stora ordure socialo-communiste (commentaire d’une vidéo de "l’hebdo" du 8/5/2010) ou encore "suppôt des nationalistes algériens" ... détraqué...individu à l’idéal politique débile (Communiqué du président du Cercle national des combattants, Roger Holleindre, ...vous vous souvenez, le témoin de Claudine Dupont-Tingaud au procès de Quimper...!).

Pourtant Benjamin Stora rappelle des évidences qu’aucun historien sérieux ne conteste, à savoir :

 en 1943 le manifeste lancé par le modéré Ferhat Abbas, rejoint par l’indépendantiste Messali Hadj, ne réclame que l’autonomie politique et
l’égalité des citoyens promise par De Gaulle la même année. Mais la situation n’évolue pas ;
 la famine se développe dans les campagnes en 1944 et 1945 dans l’indifférence du pouvoir politique. (Camus, journaliste, y consacre des articles) ;
 la France fait une énorme faute politique en exilant Messali Hadj, leader très respecté, au Congo en avril 1945.

C’est donc une situation explosive dont Albert Camus s’est ému...mais pas la majorité des pieds noirs.

Lors de la commémoration du 8 mai il suffira alors que les consignes modérées des nationalistes ne soient pas entendues dans l’est algérien et que des nationalistes de cette région décident de défiler drapeau en tête, pour que la police tire sur les manifestants. Cette étincelle entraînera les tueries qui ont suivi.

Interviewé par France Inter le 21 mai, Rachid Bouchareb partage cette analyse et rappelle les propos du général français qui avait organisé la répression : "Je vous ai donné la paix pour 10 ans, mais attention si rien ne change....".

Malheureusement la population européenne dans sa grande majorité n’a pas voulu comprendre. Elle a continué, comme avant 1945, à bloquer toute évolution. Après la victoire écrasante des nationalistes aux élections " libres" de 1947 dans le deuxième collège, elle a même cautionné une mascarade électorale....puisque les élections de 1948 ont vu la victoire, dans le même collège, de tous les candidats présentés par l’administration !

Dix ans après les massacres de 1945, en novembre 1954, les promesses n’ayant pas été tenues, la révolte armée devenait, aux yeux des indépendantistes, le seul recours. Nous connaissons la suite...en particulier à l’AAAACG.

Il reste à s’interroger sur cet énervement brutal des nostalgiques de l’Algérie française. Car il y avait déjà plusieurs livres consacrés aux massacres du 8 mai 1945 ainsi que 2 documentaires passés à la télévision. En 1995 "Les massacres de Sétif, un certain 8 mai 1945", par notre ami Mehdi Lallaoui et en 2008 "l’autre 8 mai 1945" par Yasmina Adi.

En fait ces extrémistes ont reçu plusieurs signaux explicites du pouvoir actuel, qui, par démagogie, veut s’assurer de leurs bulletins de votes.

D’abord le laxisme vis à vis des monuments du sud de la France qui honorent les criminels de l’OAS, ensuite la loi de février 2005 rendant hommage aux bienfaits du colonialisme, puis l’annonce d’une fondation de la mémoire par l’État lui-même (comme si l’histoire, pour se construire contradictoirement avait besoin de la tutelle étatique) et le détournement de la stèle du quai Branly... enfin le retrait du film de Bouchareb de la présentation française, alors que le réalisateur et une partie du financement sont français.

Pour couronner le tout, une cerise délicate sur ce gâteau. Le sous-préfet de Cannes organise une cérémonie au monument aux morts le jour où le film est présenté, telle une manifestation expiatoire avant la projection du film.

Comme disait en conclusion l’éditorialiste du Monde le 21 mai :... Et ce n’est pas d’un sous-préfet dont on a besoin, en l’espèce, mais des historiens. Pour sortir de la bataille mémorielle et entrer progressivement dans le partage de vérités historiques, à confronter comme telles.

Tous ces évènements confortent notre détermination à témoigner dans les écoles. Car ce que nous avons vécu, même si ce n’est qu’un petit épisode d’une longue et douloureuse guerre, ne peut être contesté par ces nostalgiques de la présence française toujours prêts à réécrire l’histoire pour faire oublier les turpitudes du colonialisme.

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