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Le projet ce déchéance de nationalité inquiète fortement les Algériens

mercredi 20 janvier 2016, par Michel Berthelemy

La polémique sur la déchéance de nationalité pour les binationaux convaincus de terrorisme prend de plus en plus d’ampleur, en France mais aussi dans des pays particulièrement sensibles au sujet, comme en Algérie. C’est ainsi, par exemple, que l’édition algérienne du Huffington Post, donne la parole, le 15 janvier, à quelques personnes bénéficiant d’une double nationalité.
Le thème est également traité par le Quotidien d’Oran du 7 janvier, sous la plume de Akram Belkaïd, journaliste et écrivain.

Extraits du Huffington Post...

Pour Mehdi, "la plupart de mes connaissances ne savent pas que j’ai la double nationalité mais je crains que cela finisse par créer un questionnement. Et si les gens allaient jusqu’à nous demander pourquoi on est binationaux ? On va dériver sur le fait qu’avoir deux nationalités ne sera plus une chance mais un problème. Et à terme pourrait carrément se poser la question de la fin de la binationalité".

Helga est française mais ses enfants de deux et six ans possèdent aussi la nationalité allemande. "Nous avons tout fait avec mon mari pour qu’ils aient les deux nationalités parce qu’on pense que c’est une chance pour eux d’avoir deux cultures, qu’il n’y en ait pas une qui prenne le pas sur l’autre. C’est dommage qu’aujourd’hui il y ait un risque qu’ils en perdent une", dit-elle depuis Munich où elle vit.

"Plus qu’à moi, c’est à mes enfants de 12 et 18 ans que je pense, dit aussi Alia. Après avoir vécu en Algérie, je pensais les avoir fait venir en France dans le pays où ils seraient le plus en sécurité, le moins stigmatisés, mais je me rends compte que je me suis peut-être trompée."

Que feront-ils si l’exécutif va finalement au bout de son projet ? Renoncer à l’une de leur nationalité ? "Pas question", répondent-ils en chœur. Autant pour des raisons symboliques que techniques. Pour beaucoup, leur deuxième nationalité est liée à leurs parents qui leur ont transmise par le droit du sang. "Je n’ai pas le choix de ma deuxième nationalité" ».

… et du Quotidien d’Oran

Akram Belkaïd
se demande, dans sa Chronique du Blédard datée du 7 janvier : « comment "faire nation" si l’on explique demain à un jeune franco-algérien que ses amis français "de souche" seraient moins punis que lui s’ils venaient à basculer dans le terrorisme puisqu’ils conserveraient leur nationalité ? Qu’est-ce donc que cet égalité entre citoyens si elle ne répond pas à l’exigence suivante : même devoirs, mêmes droits et, en cas de crime, même peine ? Comment faire en sorte que l’idée d’une différence de statut, laquelle serait institutionnalisée, ne soit pas intériorisée par une jeunesse en proie à de nombreux doutes identitaires ? »

Il poursuit : « la France s’enorgueillit d’être aux antipodes de certains systèmes censitaires et ségrégationnistes. Mais concevoir une peine réservée à une partie bien précise de sa population, et cela quelle que soit la gravité du crime commis, n’est pas digne d’elle. C’est aussi créer un dangereux précédent. Aujourd’hui, c’est la déchéance de nationalité pour les binationaux auteurs d’un crime terroriste. Et demain ? La peine de mort ? Et puisque l’on est dans cette logique, pourquoi ne pas d’ores et déjà appliquer des peines différenciées selon les origines ?
En réalité, ce projet d’exclusion en dit long sur un impensé post-colonial qui déshonore l’éthique républicaine. Car, ce qui le fonde, c’est qu’aux originaires du sud ou de l’est de la Méditerranée, il est implicitement signifié que la nationalité française est un privilège qui leur a été octroyé. »

Et il conclut en précisant qu’à cela, « s’ajoute un autre non-dit, très présent au sein de la droite mais que l’on retrouve aussi à gauche, notamment au sein du parti dit socialiste. Le point de départ, c’est le fait que cette population d’origine étrangère soit française, notamment grâce au droit du sol. Le fait qu’ils soient devenus Français fait grincer des dents et provoque parfois ce cri du cœur : "ils n’auraient jamais dû être français". Que des musulmans, des arabes ou des noirs soient français, c’est finalement cela qui continue de poser problème. On croyait cette question dépassée, on ne fait qu’y revenir en raison notamment de l’actualité ».

Et si finalement, comme le souligne Angela Davis dans Le Monde daté du samedi 16 janvier, l’une des origines du malaise actuel de la France, se trouvait dans son passé colonial ?
Pour la philosophe, « les mesures policières et les lois répressives ne viendront pas à bout de ce problème car il exige une autre démarche : il faut reconnaître le rôle du colonialisme et du racisme(...) les peuples qui ont été soumis au cours de l’histoire, à l’ordre colonial français, ne peuvent être intégrés dans la société française que si elle se transforme : il faut évacuer les vestiges du colonialisme et de l’esclavage (….) ces derniers ne disparaîtront pas d’un coup de baguette magique simplement parce qu’on souhaite les voir disparaître... »

Soulignons pour finir cette déclaration de Pierre Joxe, ancien Ministre et ancien Président du Conseil Constitutionnel, faite la semaine passée à Paris :

“J’étais enfant en Algérie : mon père s’est retrouvé exilé là-bas après avoir été viré par Vichy. J’ai vu ce que c’était que le régime colonial, un pays où il y a deux niveaux de nationalité. A l’époque il y avait les Français de souche européenne, et les Français de souche nord-africaine, qui n’avaient pas les mêmes droits […]. Pendant cette période, de 1941 à 1944, j’ai vu ce que c’était que l’inégalité devant le droit. […]
Le débat qui s’est ouvert sur la déchéance de nationalité – malheureusement par un gouvernement à direction socialiste – est très grave, car qui est atteint par cette réforme ? Sur les 3,5 millions de binationaux en France, 3 millions sont franco-maghrébins. La suspicion est donc jetée sur une partie de la population française, des gens nés en France pour la plupart, et cela nous rattache à la période coloniale. Qu’est-ce que c’était que l’état d’urgence en 1954 ? C’était la suspension de certaines libertés. L’état d’urgence est un état de droit diminué, mutilé, qui crée des éléments de racisme, d’intolérance et de discrimination. Quelle est la symbolique recherchée ? Faire une distinction entre les Français ? Ou plaire à une partie de l’électorat ou du Parlement pour obtenir un vote ? Dans un cas comme dans l’autre c’est détestable”.

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