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L’adjudant se souvenait des massacres... 8 mai 1945 : témoignage d’un ex-appelé... ...surpris par la lucidité de ce "sous-off" !

vendredi 18 juin 2010, par Gérard C. Webmestre

Comment un appelé en 1961 écoute le témoignage d’un adjudant du génie sur les massacres du 8 mai 1945.

Après la polémique faite autour du film de Rachid Bouchareb "Hors-la-loi", un appelé se souvient d’une conversation qu’il eut avec un adjudant du génie, témoin des massacres de Sétif et du Constantinois en mai 1945.

Si ma mémoire n’est pas défaillante, cette conversation eut lieu après le putsch des généraux, donc certainement en mai ou juin 1961. J’avais participé très activement à l’échec de cette tentative fasciste de prendre le pouvoir en Algérie et en France. Après mes multiples péripéties militaires, curieusement je m’étais retrouvé dans un bureau au Q.G. de Batna. Secrétaire d’un colon du 2° R.E.C. (2° régiment étranger de cavalerie).

Je ne me souviens plus très exactement comment cet adjudant est arrivé dans nos bureaux, certainement une affaire de routine. Par contre je me souviens avec exactitude de son désir d’entamer la conversation avec nous les appelés. Notre première réaction fut défensive, pour nous tout ce qui était "rempilé", se situait du côté des putschistes, mais assez rapidement nous comprîmes que celui-là était de notre côté. Ancien résistant, il s’était engagé à l’arrivée des Alliés et à son grand désespoir, au lieu de l’envoyer combattre les nazis, l’armée l’avait envoyé dans le Constantinois dans une unité du génie.

Nous avons discuté longuement de la paix toute proche selon ses dires et à un moment dans la conversation il nous a dit que la guerre d’Algérie avait en fait commencé le 8 mai 1945 à Sétif.

Tous les appelés, y compris moi, ouvrirent de grands yeux, nous ignorions tout de cette histoire. Ni nos parents, ni nos professeurs ne nous avaient renseigné sur ce terrible épisode d’une histoire si proche. Alors, avec des mots très simples, il nous expliqua le déroulement de cette tragédie, sans rien omettre. Ainsi il savait que le premier mort avait été un jeune algérien tué par un policier. S’ensuivit une tuerie où une centaine d’européens perdit la vie (je laisse aux historiens le chiffre exact). La répression de l’armée, aidée par des milices européennes fut terrible nous dit-il. Pendant plusieurs jours et peut-être plusieurs semaines, le sang algérien coula sur le sol du Constantinois. Des milliers de morts.

Arrivé à cet instant de la conversation, cet adjudant du génie, au bord des larmes, nous expliqua qu’il avait creusé avec un bulldozer une immense fosse où ses collègues poussèrent des monceaux de cadavres. Nous étions effondrés face à cet homme, ce citoyen qui venait de nous apprendre une partie du refoulé de la guerre d’Algérie. Merci à lui.

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