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Amira Bouraoui condamnée à 10 ans de prison ferme

mardi 14 novembre 2023, par Michel Berthelemy

Le Monde, Mustapha Kessous , 7 novembre 2023

Algérie : l’opposante Amira Bouraoui dénonce un « procès politique » après sa condamnation

La fuite en France de la militante, en février, avait été à l’origine d’une nouvelle crise diplomatique entre Paris et Alger. Elle a été condamnée a dix ans de prison ferme.

Par Mustapha Kessous

La militante Amira Bouraoui a été condamnée par contumace à dix ans de prison ferme, mardi 7 novembre, par le tribunal de Constantine, pour « usurpation d’identité et sortie clandestine du territoire ». « Je m’y attendais, mais c’est excessif. Cette peine prouve que mon procès était politique », a aussitôt réagi l’opposante franco-algérienne au Monde.
Fin janvier, celle qui était alors sous le coup d’une interdiction de sortie du territoire algérien (ISTN) avait illégalement quitté son pays, provoquant une intense crise diplomatique entre la France et l’Algérie. « Mon ISTN était infondée, c’est l’une des raisons qui m’a poussée à partir », tient-elle à préciser.

Quatre autres personnes ont également été condamnées dans ce dossier pour complicité et « trafic illicite de migrants » : sa mère Khadija Bourdjia, 71 ans, à un an avec sursis ; son cousin, un chauffeur de taxi clandestin et un ami, le journaliste Mustapha Bendjama, à six mois ferme et un policier algérien à trois ans de prison.

« Ce que l’Etat algérien a fait à ma famille est une vengeance. Le seul tort de mon cousin est de m’avoir transportée sur 500 mètres entre la maison et la gare de taxis parce que j’avais une valise, celui de ma mère est que je lui ai pris son passeport. Le policier et le chauffeur n’ont rien fait. Et Mustapha Bendjema ne m’a jamais aidé, assure Amira Bouraoui. Je suis triste pour l’Algérie qui s’est donnée en spectacle juste parce qu’une militante a voulu retrouver son enfant en France, qui est aussi mon pays. » Selon un avocat de la défense qui souhaite rester anonyme, « Le dossier était vide. L’affaire Bouraoui ne faisait plus l’actualité, ce procès n’a pas intéressé l’opinion publique algérienne. »

Une indifférence qui tranche avec la polémique et les tensions diplomatiques qui avaient prévalu lorsque l’affaire avait éclaté. Alors que la militante avait fui son pays pour la Tunisie le 31 janvier, la France a fait pression pour que Tunis la laisse gagner l’Hexagone – ce qu’elle a obtenu le 6 février. Une intervention considérée comme une « exfiltration clandestine au moyen d’une opération multidimensionnelle menée avec l’implication avérée de personnels officiels de l’Etat français », selon les termes d’une lettre du ministère des affaires étrangères adressée à l’ambassade de France à Alger.

Selon les informations du Monde, l’enquête menée dans les mois suivants par les gendarmes algériens n’a pu prouver le rôle joué par la France. Nulle trace d’espions ou de « barbouzes français » de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), comme l’a indiqué la presse officielle, mais d’une simple cavale personnelle.

L’enquête sur Amira Bouraoui avait entraîné l’arrestation le 8 février – deux jours après l’arrivée de l’opposante en France – du journaliste Mustapha Bendjama, 33 ans, soupçonné d’avoir été au courant en amont des projets de la militante et, par conséquent, de l’avoir aidée à quitter le pays. Ses défenseurs insistent sur l’absence totale de preuve matérielle pour étayer ces accusations.

Ce jeune reporter, rédacteur en chef du journal indépendant Le Provincial à Annaba, est depuis des années dans le viseur des autorités pour ses enquêtes sur les liens troubles entre le monde politique et celui des affaires, la couverture pro-Hirak (le « mouvement » populaire qui a fragilisé « le système » à partir de février 2019) et son soutien aux détenus d’opinion et au patron de presse Ihsane El Kadi, condamné en juin à sept ans de prison dont cinq ans ferme, pour « financement étranger ».

Lors de sa garde à vue, qui aura duré onze jours, la gendarmerie a pu accéder à son téléphone et, dans une chasse aux sources du journaliste, les enquêteurs ont exhumé – sur plusieurs années – des conversations WhatsApp, Messenger ou Signal avec divers interlocuteurs. Et c’est sur la base de ces messages, qui n’ont pourtant rien à voir avec Mme Bouraoui, que la justice a décidé d’ouvrir un autre dossier judiciaire pour « publication sur Internet d’informations classifiées » et « réception de fonds depuis l’étranger dans le but d’effectuer des actes attentatoires à l’ordre public ». Au total, neuf personnes sont concernées et certains ont été arrêtés puis mis en détention dans la foulée comme le chercheur canado-algérien Raouf Farrah.

Dans ce dossier, MM. Bendjama et Farrah ont été condamnés en appel, le 26 octobre, à douze mois d’emprisonnement, dont huit ferme. Ayant purgé sa peine, le chercheur a été libéré. En détention depuis près de neuf mois, le jeune journaliste devait également retrouver les siens ce mardi 7 novembre car sa préventive excède ses deux peines. Cependant, dans la soirée, il n’était toujours pas sorti de prison. Le flou règne mais selon ses avocats, il semblerait que le tribunal de Constantine a décidé de « cumuler les deux condamnations » de Mustapha Bendjama. Il lui resterait alors encore un peu plus de quatre mois à passer en prison.

Mustapha Kessous

https://www.lemonde.fr/international/article/2023/11/07/algerie-l-opposante-amira-bouraoui-denonce-un-proces-politique-apres-sa-condamnation_6198782_3210.html?lmd_medium=al&lmd_campaign=envoye-par-appli&lmd_creation=ios&lmd_source=mail

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